AHMED LOUKILI : Le port de Tanger Med : une référence dans la performance

DOCTEUR EN GÉNIE INDUSTRIEL ET CHERCHEUR DANS LE DOMAINE DE L’OPTIMISATION, DES PERFORMANCES ET LES POLITIQUES/STRATÉGIES INTELLIGENTES

Les ports sont les portes d’entrée de la grande majorité des échanges commerciaux africains. Historiquement, le continent a souffert d’un manque de ports modernes, ce qui a entraîné des coûts de Pet élevés, des délais de transit longs et une faible compétitivité. Le développement d’infrastructures portuaires et logistiques modernes est donc essentiel pour réduire les coûts logistiques, faciliter le commerce intra-africain, attirer les investissements directs étrangers (IDE) et créer des emplois et de la valeur ajoutée. Ces investissements facilitent non seulement les échanges commerciaux au sein du continent, mais relient également l’Afrique au reste du monde. Le port de Tanger Med, au Maroc, illustre parfaitement cette dynamique. En seulement deux décennies, il est passé d’un projet ambitieux à une plateforme logistique mondiale de premier plan, transformant la position du Maroc et de l’Afrique dans le commerce international.

Le port de Tanger Med, inauguré en 2007, est plus qu’un simple port ; c’est un complexe industrialo- portuaire intégré qui a radicalement changé la donne pour le Maroc et l’ensemble du continent africain. Ce port, né dans le but de doter le royaume d’un port compétitif de classe mondiale, connecté au reste du monde grâce à des activités de transbordement, a réussi à se tailler une place sur un marché régional où d’autres ports étaient déjà bien implantés. Le Port de Tanger Med a ainsi réussi non seulement à se positionner sur un segment restreint soumis à une concurrence féroce, mais aussi à ouvrir la voie au développement, en peu de temps, d’un véritable pôle industriel dans la région du Détroit, avec plusieurs centaines d’entreprises implantées et des dizaines de milliers d’emplois créés. La réussite de ce projet est sans conteste due en grande partie à une politique de management moderne, de transparence, de bonne gouvernance et d’adaptation dynamique à l’évolution du monde des infrastructures portuaires et du transport maritime.

Le management en place s’appuie notamment sur une veille stratégique efficace, lui permettant de suivre l’évolution des meilleures pratiques du secteur et les opportunités d’amélioration ou de développement. Le port de Tanger Med a enregistré des chiffres records suite au lancement de Tanger Med 2. Avec plus de dix millions de conteneurs traités en 2024, le port renforce sa position dominante en Afrique et en Méditerranée et la position du Maroc comme hub régional du commerce maritime. Ces performances ont connu une amélioration substantielle avec la mise en service de Tanger Med 2 en 2019, portant la capacité de traitement de conteneurs du port à neuf (9) millions d’EVP depuis 2020. Avec ce volume, le port renforce davantage sa position de plateforme privilégiée pour les exportations marocaines et de hub de référence pour les flux logistiques et le commerce mondial. Cette performance est le fruit de la forte implication et de la synergie de l’ensemble des partenaires de Tanger Med, et plus particulièrement de la digitalisation engagée par l’autorité portuaire, notamment pour la réservation de créneaux d’escale destinés à gérer les mouvements portuaires des navires. Parmi les autres facteurs clés de ce succès: une position géostratégique exceptionnelle (au carrefour des routes maritimes entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques) ; des infrastructures de pointe, avec des terminaux modernes gérés par des opérateurs de renommée mondiale, équipés de portiques et de systèmes de management automatisés garantissant des délais de chargement et de déchargement performants ; un modèle économique intégré (outre les activités portuaires, le complexe comprend une vaste zone franche industrielle et logistique de plus de 5 000 hectares). Le port a également développé une connectivité et une ouverture sur l’Afrique, devenant une porte d’entrée majeure pour les flux commerciaux à destination et en provenance de plus de 40 ports africains. Les Perspectives pour l’Afrique Le succès du port de Tanger Med sert de modèle aux autres pays africains qui investissent dans leurs infrastructures portuaires. Cependant, les défis auxquels ces ports seront confrontés ne doivent pas être négligés. Cela nécessite une planification rigoureuse, impliquant la mise en place d’un outil de veille efficace des décisions d’investissement et d’aménagement pour chaque port, dans le cadre d’une vision à long terme du système portuaire.

Cet outil repose sur des initiatives d’investissement qui couvrent les différentes options possibles pour répondre à la demande portuaire. Il permet également d’améliorer la gouvernance portuaire et d’anticiper les évolutions. La mondialisation offre certes de nombreuses opportunités aux économies, mais ses incertitudes sont de plus en plus importantes. Chaque stratégie doit être intelligente afin d’ajuster en permanence les tactiques et les actions déjà mises en œuvre ou planifiées. De fait, les politiques et stratégies fondées sur l’intelligence permettent de créer une synergie entre la surveillance de l’environnement externe de l’organisation et celle des changements internes actifs. Cela faciliterait la mise en œuvre d’approches appropriées pour permettre à l’organisation de rester innovante et compétitive, en visant en permanence des décisions pertinentes. Le renforcement de la chaîne logistique portuaire passe par un management rentable du port et des terminaux portuaires. Pour ce faire, il est nécessaire de maîtriser les coûts et les stratégies de gestion de tous les processus liés à la manutention. Pour être compétitifs, les ordonnateurs doivent d’abord bien comprendre les difficultés liées à l’économie maritime et à la mondialisation, et opter pour une vision dynamique avec la transparence et le professionnalisme comme éléments clés de la compétitivité. L’objectif est de remplacer le cadre conflictuel issu des intérêts spécifiques et de la complexité des acteurs portuaires par un cadre de coopération. Investir ne se résume plus à trouver les moyens d’acquérir les outils. Aujourd’hui, investir obéit également à des règles fondamentales, qui déterminent l’écart entre coût et valeur ajoutée de chaque investissement. L’analyse de ces écarts est nécessaire pour définir les priorités d’investissement et ainsi garantir l’optimisation et la durabilité. Tout cela ne peut que restaurer la confiance dans notre continent, ce qui permettrait aux acteurs portuaires de mieux collaborer et à l’Afrique de prendre sa place légitime dans les échanges mondiaux.

Par Dr. Ahmed LOUKILI